Chögyam Trungpa Rinpoché (1939 – 1987)


Chögyam Trungpa Rinpoché

Chögyam Trungpa, Rinpoche, a été l’un des enseignants du bouddhisme les plus dynamiques du 20° siècle. Il a fait œuvre de pionnier en apportant les enseignements bouddhistes du Tibet en Occident et on lui attribue l’introduction de nombreux concepts bouddhistes importants dans la langue et la psyché anglaises d’une manière unique et nouvelle. Même une autorité telle que l’Oxford English Dictionary cite son usage du mot ‘ego’ dans une de ses définitions.

Il a fondé la première université d’inspiration bouddhiste en Amérique du Nord: l’Université Naropa. Il a fondé plus d’une centaine de centres de méditation à travers le monde. Il est l’auteur de plus d’une vingtaine de livres sur la méditation, le bouddhisme, la poésie, les arts et la voie Shambhala de l’art du guerrier. Il a fait venir de nombreux grands détenteurs de lignées tibétains en Amérique du Nord pour la première fois. Il a attiré à lui plusieurs milliers d’élèves qui ont continué à répandre ses enseignements et son héritage dans le nouveau millénaire.

Le Vidyadhara Chögyam Trungpa Rinpoche (1939 – 1987) était le onzième descendant de la lignée des tulkous Trungpa, maîtres importants de la lignée Kagyü, l’une des quatre écoles principales du bouddhisme tibétain, renommée pour l’importance particulière qu’elle accorde à la pratique de la méditation. En plus d’occuper une position-clé dans la lignée des maîtres Kagyü, Chögyam Trungpa a été aussi formé dans la tradition Nyingma, la plus ancienne des quatre écoles tibétaines, et il adhérait au mouvement Rimé – mouvement œcuménique (non-sectaire) du bouddhisme tibétain, dont le but était de rassembler et rendre disponibles tous les enseignements remarquables des différentes écoles, au-delà des rivalités sectaires. Pendant toute sa vie il a cherché à transmettre les enseignements qu’il avait reçus à l’audience la plus large possible.

 

Extrait de sa pensée.

 

Au-delà du matérialisme spirituel

 

    L’ego est capable de tout annexer à ses propres fins, y compris la spiritualité. Par exemple, si l’on a appris une technique de méditation ou une pratique spirituelle particulièrement bénéfique, il commence à la considérer avec fascination, puis il l’examine. Mais, en tout état de cause, comme l’ego est d’apparence solide et qu’il ne peut pas absorber véritablement quoi que ce soit, il se borne à imiter. Aussi s’efforce-t-il d’examiner et d’imiter la pratique de la méditation et le mode de vie spirituel. Lorsque l’on connaît toutes les ficelles et les réponses du jeu spirituel, on essaye automatiquement d’imiter la spiritualité, dès lors qu’un engagement véritable exigerait l’élimination complète de l’ego et qu’à vrai dire, abandonner complètement l’ego est bien la dernière chose que l’on souhaite faire. 

    Nous sommes venus ici étudier la spiritualité. Je crois à l’authenticité de cette recherche mais nous devons en questionner la nature. Le problème est que l’ego peut tout convertir à son propre usage, même la spiritualité. L’ego tente constamment d’acquérir et d’appliquer les enseignements spirituels à son propre bénéfice. Les enseignements sont abordés comme quelque chose d’extérieur– extérieur à moi – , une philosophie que l’on tâche d’imiter. Mais on ne souhaite pas réellement s’identifier avec les enseignements, devenir les enseignements. Alors, si notre maître parle de renoncer à l’ego, on essaye de mimer la renonciation. On fait les mouvements, les gestes appropriés, mais en fait on ne veut à aucun prix sacrifier le moindre élément de son mode de vie. On devient un acteur averti et, tandis que l’on demeure sourd et aveugle à la signification véritable des enseignements, on trouve quelque confort à faire semblant de suivre le sentier. 

    Il est important de voir que le point essentiel de toute pratique spirituelle est de sortir de la bureaucratie de l’ego, c’est-à-dire de ce constant désir qu’a l’ego d’une forme plus haute, plus spirituelle, plus transcendante du savoir, de la religion, de la vertu, de la discrimination, du confort, bref, de ce qui fait l’objet de sa quête particulière. Il faut sortir du matérialisme spirituel. Si nous n’en sortons pas, si nous en faisons notre pratique, nous nous doterons peut-être d’une vaste collection de sentiers spirituels, fort précieuse à notre avis. Nous avons tellement étudié ! Peut-être avons-nous étudié les philosophies occidentales ou les mystiques orientales, pratiqué le yoga ou même recueilli les enseignements de dizaines de grands maîtres. Nous sommes accomplis, car nous savons tellement de choses ! Nous sommes intimement persuadés d’avoir amassé un trésor de connaissances. Et, pourtant, à l’issue de cet itinéraire, il y a encore quelque chose à abandonner. Quel mystère ! Comment est-ce possible ? C’est impossible…hélas, c’est pourtant vrai. Ces trésors de connaissances, ces sommes d’expériences ne sont qu’un élément de la vitrine de l’ego, ils concourent à le rendre plus grandiose. Nous les affichons et, ce faisant, nous nous rassurons sur notre existence, confortable et sans risques, d’êtres  » spirituels « . 

   En fait, nous avons simplement monté une boutique, une boutique d’antiquités. Peut-être sommes-nous spécialisés dans les objets orientaux, les antiquités du Moyen-âge chrétien, ou les vieilleries de telle culture à telle époque, mais quoi qu’il en soit, nous sommes des boutiquiers. 
Le gourou.

    Il n’est d’aucun secours de prendre quelqu’un pour maître simplement parce qu’il est célèbre, parce qu’il s’est fait un nom en publiant des montagnes de livres et converti des milliers ou des millions de gens. Les critères sont bien plutôt les suivants : êtes-vous, oui ou non, véritablement capable de communiquer avec cette personne, de façon directe et profonde ? Jusqu’à quel point vous illusionnez-vous ? Si vous vous ouvrez véritablement à votre ami spirituel, alors vous pouvez travailler ensemble. Etes-vous en mesure de lui parler avec justesse et profondeur ? Sait-il quelque chose de vous ? Et sait-il quelque chose de lui-même, d’ailleurs ? Est-il réellement capable de voir à travers vos masques, de communiquer avec vous de façon juste et directe ? Voici quels paraissent être les critères lorsque l’on cherche un maître, plutôt que la renommée ou la sagesse. 

      Au sujet de la nécessité ou non d’avoir un  » maître « , des qualités qu’il doit ou ne doit pas avoir, des attitudes qui prouvent ou non son authenticité, on a écrit des milliers de livres et dévasté des hectares de forêt… en oubliant peut-être un peu vite que la vie de tous les jours, si nous y sommes attentifs, nous enseigne tout ce que nous avons besoin de savoir. Ne nous encourage-t-elle pas à chaque instant à nous déprendre de nos  » je-veux-je-ne-veux-pas « , à cesser de nous agripper à des nuages, pour  » être « , simplement…?

   Relation avec le gourou, suite…

    Il n’est pas question de trouver un maître sage à qui nous pourrons acheter ou voler sa sagesse. La véritable initiation implique que l’on se comporte de façon honnête, droite et directe avec l’ami spirituel et avec soi-même. Aussi avons-nous à faire quelque effort pour nous exposer, nous et les illusions que nous créons. Nous avons à lâcher prise et à exposer notre ego, avec ses qualités brutes et rudes. 

   Une telle ouverture n’implique aucune flatterie, nous n’avons pas à plaire à notre ami spirituel, ni à faire impression sur lui. La situation ressemble à celle où un médecin, réalisant que vous allez mal, vous fait quitter votre logis, en employant la force si besoin est, et vous opère sans anesthésie. Peut-être trouvez-vous le traitement trop violent et douloureux, mais alors vous commencez à réaliser combien coûte la communication réelle – le contact avec la vie. 

   Les dons financiers à une cause spirituelle, les contributions sous formes de travaux physiques,les relations avec un maître particulier, rien de tout cela ne signifie nécessairement que nous nous engageons vraiment à être ouverts. Il est plus probable que ce type d’engagement nous sert simplement à prouver que nous avons rejoint le clan des  » justes « . Le maître semble sage. Il sait ce qu’il fait et nous aimerions être de son côté, du côté sûr, du bon côté, pour garantir notre bien-être et notre succès. Mais une fois que nous nous sommes fixés à son côté, du côté de la santé, de la stabilité, de la sagesse, nous avons la surprise de découvrir que nous n’avons pas réussi le moins du monde à nous mettre en sécurité, parce que nous n’avons engagé que notre façade, notre visage, notre cuirasse. Nous ne nous sommes pas totalement engagés nous-mêmes. Nous sommes alors forcés d’ouvrir ce qu’il y a derrière. Avec horreur, nous constatons qu’il nous est impossible de nous sauver. (…) La cuirasse rembourrée que nous portions est déchirée de toutes parts. Il n’y a plus aucun endroit où se cacher. Bon sang ! Tout est découvert, notre prétention mesquine et notre égoïsme. Parvenus à ce point, nous réalisons sans doute que nos efforts maladroits pour rester masqués ont été sans effet d’un bout à l’autre. 

   C’est souvent le point où, découragé et furieux, l’élève fuit le maître. Le point aussi de se souvenir que  » deux ans à côtoyer un mauvais maître peuvent nous apprendre davantage que vingt ans de marche solitaire  » et que  » Si l’élève peut quitter le maître ; le maître, lui, ne peut jamais rejeter définitivement l’élève. « 

Toujours au sujet de la voie abrupte…

   Avons-nous réellement fait l’expérience de la nudité, de l’ouverture et du don ? C’est la question fondamentale. Il nous faut réellement lâcher prise, donner quelque chose, abandonner quelque chose, et c’est très douloureux. Il nous faut commencer à démanteler la structure fondamentale de cet ego que nous avons réussi à créer. Le processus du démantèlement, de l’ouverture, de l’abandon est le véritable processus d’apprentissage. Quelle part de cet ongle incarné qui tenaille notre chair avons-nous décidé d’ôter ? Il est fort vraisemblable que nous avons réussi à ne rien abandonner du tout. Tout ce que nous avons fait est rassembler, construire, ajouter couche après couche. Aussi le propos de la voie dure est-il fort effrayant. 

   Le problème est que nous cherchons une réponse facile et indolore. Mais ce type de solution est inopérant sur le sentier spirituel, sur lequel nous n’aurions peut-être pas dû nous engager. Mais une fois que nous y sommes, c’est dur, c’est douloureux, et nous allons en baver. Nous nous sommes engagés dans la souffrance consistant à nous exposer, à nous déshabiller, à donner notre peau, nos nerfs, notre cœur, notre cerveau, jusqu’à ce que nous soyons offerts à l’univers. Rien ne doit rester. Ce sera terrible, crucifiant, mais c’est comme ça. 

L’avertissement n’est pas nouveau ! Pour preuve cet ancien chant perse cité par Irina Tweedie dans » L’abîme de feu « .

 » Si j’avais su combien l’Amour est douloureux,
je serais resté à l’entrée de la Voie de l’Amour.
J’aurais proclamé avec un tambour :
Eloignez-vous ! Partez loin !
Ce voyage est sans retour,
une fois engagé on reste là – seul et sans aide.
Mais vous qui êtes encore dehors,
regardez bien !
Réfléchissez avant d’entrer
combien il est difficile – et douloureux
de marcher sur le Chemin de l’Amour ! « 

   ** Cf :  » Ce qui vous est le plus cher doit disparaître !  » (What is dearest to you must go !), disait le maître soufi d’Irina Tweedie dans l’ouvrage cité.
Question :  » Si la voie véritablement dure consiste à m’abandonner, dois-je accepter de m’abandonner à ce que je considère être mal, sachant que je puis prendre des coups ? « 

Réponse :  » S’ouvrir ne signifie pas accueillir en martyr toutes les menaces qui surviennent. Il n’est pas nécessaire de rester sur la voie de chemin de fer lorsqu’arrive le train pour s’ouvrir au train. Ce serait la voie de l’héroïsme, la fausse voie dure. A chaque fois que nous rencontrons quelque chose que nous considérions comme  » mal « , l’autoprotection de l’ego s’en trouve menacée. Et nous sommes tellement occupés à préserver notre existence en face de cette menace que nous ne pouvons pas du tout voir la chose clairement. Pour nous ouvrir, il nous faut pourfendre notre désir de préserver notre existence propre. Alors nous pouvons voir la situation clairement, telle qu’elle est, et avoir une action juste. « 

 Au sujet de la psychothérapie.

Si dans la psychothérapie, on met l’accent sur la vie du moment présent, non seulement en ce qui concerne l’expression verbale et les pensées, mais aussi en termes d’expérience véritable des émotions et des sentiments, alors je crois que l’on peut atteindre une méthode de travail très équilibrée. Malheureusement, il y a de nombreux types de psychothérapies et de nombreux psychothérapeutes occupés à se vérifier eux-mêmes et à vérifier leurs théories plutôt qu’à travailler sur ce qui est. En fait, le travail sur ce qui est les effraie. 

On trouvera une intéressante remise en question de la psychothérapie et des psychothérapeutes dans : » Krishnamurti, Rajneesh, C.G.Jung  » de Ian Foudraine. Le voyage intérieur – Paris 1992.

 La voie ouverte.

Une fois que l’on s’est ouvert, que l’on a tout abandonné, que l’on a cessé de faire référence au critère fondamental de  » je suis en train de faire ceci, je suis en train de faire cela « , que l’on ne se réfère plus à soi, alors toutes les situations liées au maintient de l’ego ou à l’accumulation s’évanouissent d’elles-mêmes. (…) Alors on s’ouvre encore plus. On ne considère plus que quoi que ce soit doive être rejeté ou accepté ; on va, tout simplement, avec chaque situation. On ne fait plus l’expérience de la guerre ; il n’y a plus ni ennemi à vaincre ni but à atteindre. On n’est plus obsédé par l’accumulation ni par le don. Plus d’espoir ni de crainte. C’est le développement de la connaissance transcendantale, la capacité de voir les situations telles qu’elles sont. 

   Les écritures mahayana distinguent les êtres qui sont complètement prêts à s’ouvrir, ceux qui le sont presque et ceux qui en ont la potentialité. Les êtres qui en ont la potentialité sont des intellectuels, que le sujet intéresse, mais qui ne laissent pas à cet instinct suffisamment de place pour jaillir. Ceux qui sont presque prêts ont l’esprit tout à fait ouvert, mais ils s’observent plus qu’il n’est nécessaire. Ceux, enfin, qui sont complètement prêts à s’ouvrir ont entendu la formule secrète, le mot de passe :  » quelqu’un l’a déjà fait, quelqu’un a déjà traversé, c’est le sentier ouvert.  » Dès lors, sans considérer comment ou quand ou pourquoi, ouvrez-vous, simplement. « 

   Mais juste avant ce grand saut, il est une étape que Trungpa aborde un peu plus loin :

   Le Sentier du Bodhisattva est divisé en dix étapes et cinq sentiers. A la fin du dernier sentier, à la dixième étape, vous entr’apercevez soudainement que vous allez donner naissance à l’état d’esprit éveillé, que vous allez actionner le déclic, lorsque quelque chose vous repousse. Vous réalisez alors que la seule chose qui vous retient est qu’il faut abandonner la tentative. C’est la mort du désir

Quelques mots sur la compassion.

  Pour la façon de penser conventionnelle, la compassion signifie simplement être gentil et chaleureux. Les écritures parlent de cette sorte de compassion comme d’un  » amour de grand-mère. On peut s’attendre à ce que la personne qui pratique ce type de compassion soit extrêmement douce et gentille, elle ne ferait pas de mal à une mouche (…) mais la véritable compassion estimpitoyable du point de vue de l’ego, parce qu’elle ne prend pas en considération la tendance de l’ego à se maintenir. Elle ne tient pas compte des tentatives simplistes et maladroites de l’ego en vue d’assurer son propre confort.

   L’énergie soudaine de la compassion sans pitié nous arrache à notre confort et à notre sécurité, nous secoue de nos styles de vie réguliers, répétitifs et confortables. La méditation ne consiste pas simplement à être une personne honnête et bonne dans le sens conventionnel. Il nous faut commencer à devenir compatissants et sages dans le sens fondamental, ouverts et en relation avec le monde tel qu’il est. 

Extraits tirés de  » Pratique de la Voie tibétaine  » Publié par les éditions du Seuil, Paris l976.

 

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L’INITIÉ EST CELUI QUI, AYANT DÉCIDÉ DE VIVRE D’UNE MANIÈRE À ÉDIFIER SA CONSCIENCE, LAISSE DERRIÈRE LUI L’EXISTENCE DE CE MONDE ET PART À L’AVENTURE DE CELLE CI.

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Jiddhu Krishnamurti


Jiddhu Krishnamurti (1895 – 1986)


Philosophe indien ayant dépassé toute appartenance religieuse, culturelle et nationale, Krishnamurti est considéré comme l’un des plus grands maîtres contemporains. Son message, aussi limpide que percutant, a fait de lui le pilier intellectuel, spirituel et existentiel de milliers de personnes.

Admirez la formidable implication de André Voisin et cette complicité entre eux d’eux.

 

KRISHNAMURTI (1895 – 1986)


 

 

Jiddhu Krishnamurti (1895 – 1986)

Vidéo rare en français (interviews)      <===  ici

Philosophe indien ayant dépassé toute appartenance religieuse, culturelle et nationale, Krishnamurti est considéré comme l’un des plus grands maîtres contemporains. Son message, aussi limpide que percutant, a fait de lui le pilier intellectuel, spirituel et existentiel de milliers de personnes.

Huitième enfant d’une famille Bramine, fragile et peu enclin aux études, Krishnamurti a très tôt le sens de l’observation et de la charité. A l’âge de 10 ans, alors qu’il vient de perdre sa mère, un éminent représentant de la Société Théosophique reconnaît en lui le Grand Instructeur du Monde attendu par le mouvement. Et, à 16 ans, Krishnamurti est à la tête de l’Ordre international de l’Etoile d’Orient.
Mais quelques années plus tard, une crise spirituelle et physique le conduit à une expérience d’extase bientôt suivie d’une période de désespoir extrême déclenché par la mort de son frère Nitya. Krishnamurti traverse alors cette fameuse “nuit noire” où l’âme se retrouve sans repères : instant béni où, dans un ultime abandon, libérée de l’ego, elle découvre son altérité au sein d’« un grand amour permanent impérissable, invincible ». « Laissez fleurir votre souffrance » dira alors Krishnamurti, conscient que la libération spirituelle ne peut que résulter d’une dynamique intérieure de “non-agir” qui consiste à vivre l’instant présent sans résister, sans fuir, sans “vouloir être”. Réalisant désormais l’inutilité d’une autorité spirituelle ou morale dans la recherche de la vérité, il décrète en 1929 la dissolution de son Ordre qui compte alors plus de 40 000 membres.
De conférences en entretiens, il va parcourir le monde jusqu’à l’âge de 91 ans, désireux de rendre l’Homme libre de cette peur qui le pousse à se cacher derrière des modèles, des systèmes ou des conditionnements, libre de toutes ces “cages” que sont les croyances, les pratiques, les gourous et les mentalisations, libre de la multitude d’emprises qui le limitent et étouffent l’amour qui est en lui. Et de préciser que cette libération s’accomplit d’elle-même dès lors que nous observons quotidiennement nos conditionnements sans la moindre pensée laissant ainsi l’amour nous guérir et nous guider. Car « seul l’amour est une façon juste de penser », dit-il, seul l’amour nous permet de construire un monde plus uni par la reconnaissance de l’action juste et de la relation intelligente.
C’est tout un art de vivre auquel nous convie Krishnamurti : art de voir et d’écouter avec tout son cœur, art d’interagir avec autrui au-delà de toutes ces interférences qui nous empêchent d’être ce que nous sommes et d’agir en conséquence.

On l’avait compris, Krishnamurti est un être d’ouverture, un être de relation. L’apothéose de l’“éveil au cœur” se situe, selon lui, dans la relation avec l’autre, dans ce regard neuf et immaculé qu’on lui porte. Voilà pourquoi l’école devrait nous communiquer cet art de vivre fondé non pas sur la valorisation de l’ego par le savoir et la compétition mais sur l’éveil de la véritable intelligence : « le monde est ce que nous sommes » nous dit Krishnamurti. Il est heureux que ses théories soient enseignées non seulement dans les écoles qu’il a créées en Inde, aux Etats-Unis et en Angleterre mais dans des centaines de facultés de philosophie, psychologie et sciences de l’éducation…

Très vite Krishnamurti apparut comme un penseur de grande envergure, intransigeant et inclassable,
dont les causeries et les écrits ne relevaient d’aucune religion spécifique,
n’appartenaient ni à l’orient ni à l’Occident, mais s’adressaient au monde entier.
Répudiant avec fermeté cette image messianique, il prononça à grand fracas en 1929
la dissolution de la vaste organisation nantie qui s’était constituée autour de sa personne.
Il déclara alors que la vérité était « un pays sans chemin », dont l’accès ne passait par aucune religion, aucune philosophie ni aucune secte établies.

Tout le reste de sa vie, Krishnamurti rejeta obstinément le statut de guru que certains voulaient lui faire endosser.
Il ne cessa d’attirer un large public dans le monde entier, mais sans revendiquer la moindre autorité ni accepter aucun disciple,
s’adressant toujours à ses auditeurs de personne à personne.
A la base de son enseignement était la conviction que les mutations fondamentales de la société
ne peuvent aboutir qu’au prix d’une transformation de la conscience individuelle.
L’accent était mis sans relâche sur la nécessité de la connaissance de soi,
et sur la compréhension des influences limitatives et séparatrices du conditionnement religieux et nationaliste.
Krishnamurti insista toujours sur l’impérative nécessité de cette ouverture,
de ce « vaste espace dans le cerveau où est une énergie inimaginable ».
C’était là semble-t-il, la source de sa propre créativité, et aussi la clé de son impact charismatique sur un public des plus variés.

Krishnamurti poursuivit ses causeries dans le monde entier jusqu’à sa mort, en 1986, à l’âge de quatre-vingt-dix ans.
Ses entretiens et dialogues, son journal et ses lettres ont été rassemblés en plus de soixante volumes.

« Si vous voulez aider quelqu’un à changer, dit-il, soyez comme le soleil. Donnez-lui la compassion, l’amour, l’intelligence et rien d’autre » : Krishnamurti était un soleil. Par sa présence rayonnante, sa sérénité, son regard, sa parole, ses silences, il offrait son énergie. Sans jamais préparer ses conférences, il se donnait sans filet, dans l’instant présent, exhortant chacun à créer à partir du vide, ce vide rempli d’amour…
Laisser l’amour nous envahir à chaque instant est le plus bel hommage que nous puissions rendre à Jiddhu Krishnamurti.

Lectures conseillées :

 Se libérer du connu – J. Krishnamurti, Mary Lutyens : Voici le traité de la seule révolution qui vaille : la libération intérieure.

 La première et dernière liberté – J. Krishnamurti : Un ensemble d’écrits et de causeries sur le thème suivant: la solution au problème de l’existence est en soi-même. 

 Le livre de la méditation et de la vie – J. Krishnamurti : Un texte de méditation pour chaque jour de l’année; parmi les thèmes abordés: la liberté, la souffrance, l’amour. 

 Cette lumière en nous – J. Krishnamurti 

 Pour devenir disciple – J. Krishnamurti : Lorsqu’on s’engage sur le sentier, il est indispensable d’acquérir certaines qualités. 

De quelle autorité, qui apporte la vérité ? – J. Krishnamurti : Sans recherche de la Vérité, point de libération ; sans libération, point de bonheur. 

 La vie libérée – J. Krishnamurti : Quelques thèmes traités : le but de la vie, le bonheur et le désir, la compréhension, la recherche, tenez-vous debout par vos propres forces, soyez amoureux de la vie, le temps, la création sans forme… !

 L’Immortel ami – J. Krishnamurti : Dans ce poème mystique, ce chant d’amour, Krishnamurti évoque sa rencontre avec sa nature intérieure, qu’il nomme l’Immortel ami. Un appel de l’âme à l’Autre Ame qui est à la fois Instructeur et Ami. 

 Face a la vie – J. Krishnamurti : Krishnamurti invite à réfléchir sur la véritable éducation, le rôle des parents et des enseignants, ainsi que sur l’attitude de l’étudiant. 

Dernier journal – J. Krishnamurti : Magnifiques textes par Krishnamurti. 

 De la vie et de la mort – J. Krishnamurti : Compilation d’extraits des soixante volumes de l’oeuvre éditée. Plus d’une vingtaine de textes de 1932 à 1976 concernant le double thème du titre.

De la vérité – J. Krishnamurti 

À propos de Dieu – J. Krishnamurti : Krishnamurti analyse très finement les racines de la croyance, expose les déviances des traditions religieuses, démontre la vanité de toute quête d’une connaissance de “l’inconnaissable”.

La révolution du silence – J. Krishnamurti, Mary Lutyens : Le maître réfléchit devant ses auditeurs, aux grandes questions de l’existence (la vie, l’angoisse, la souffrance, la mort, l’amour, la beauté) tout en axant son exhortation sur la rentrée en soi-même par la méditation. 

 

Confucius (551 à 479 Av J-C)


 

Homme d’Etat et philosophe chinois.

Les idées de Confucius – nom latinisé de Kong Fuzi – ont influencé toutes les civilisations d’Asie de l’Est. La croyance en la capacité de l’homme ordinaire à modifier son propre destin caractérise cet héritage. En contraste avec son incroyable influence, la vie de Confucius est d’une simplicité exemplaire. Instruit par sa mère, il se distingue par une infatigable envie d’apprendre. Sa maîtrise des arts lui permet d’ailleurs de débuter une brillante carrière d’enseignant. Il s’implique en politique, souhaitant mettre ses idées humanistes en pratique auprès des gouvernements. Il devient magistrat puis ministre de la Justice dans l’Etat de Lu. A 56 ans, il réalise finalement que ses supérieurs ne sont pas intéressés par ses idées et quitte le pays pour un exil de douze ans. Pendant ce temps sa réputation d’homme de vision se répand. A 67 ans, il retourne chez lui pour enseigner et écrire. Ses ‘Entretiens’ et ses théories, largement popularisés par ses disciples, constituent une doctrine de perfectionnement moral.

La jeunesse

Confucius est né dans l’Etat de Lu dans une famille noble du clan Kong. Son père, gouverneur de la province de Lu, meurt trois ans après sa naissance, laissant la famille sans ressources. Confucius reçoit toutefois une éducation de haut niveau, notamment les traditions culturelles de la dynastie Chou. Il se marie à vingt-quatre ans et a un fils et deux filles. Il exerce momentanément des tâches domestiques pour le chef de la province.

Sa carrière d’instructeur

Sa mère meurt en 527 avant J-C. Au terme d’une période de deuil, il voyage et dispense son enseignement au petit groupe de disciples qui l’entoure alors. Il est rapidement réputé comme un homme de grande érudition et de caractère, profondément respectueux des idéaux de la tradition.

Sa carrière de magistrat

A l’âge de cinquante ans, Confucius est nommé magistrat. Il est bien vite chargé de la justice dans le gouvernement de Lu. Son action est couronnée de succès : il introduit des réformes, rend la justice plus équitable. Victime d’une conspiration suscitée par ses résultats, il est amené à quitter son poste en 496 avant J-C. Il part en voyage pour trouver l’appui lui permettant d’entreprendre des réformes.

La fin de sa vie

En 484 avant J-C, il rentre définitivement dans l’Etat de Lu, passant les dernières années de sa vie à rédiger des commentaires sur les auteurs classiques.

La pensée de Confucius

Confucius déplorait le désordre et l’absence de considérations éthiques sous la dynastie Chou, et préconisait de renouer avec les principes et préceptes des sages de l’Antiquité, en initiant ses élèves aux auteurs anciens de la littérature chinoise. Il accordait également un rôle capital à la musique. Attachant une grande valeur au pouvoir de l’exemple, il soutenait que les gouvernants doivent mener une vie exemplaire, pour entraîner les citoyens à suivre leur exemple, l’Etat ne pouvant alors que connaître la prospérité et le bonheur.

Confucius considérait que l’homme doit se conduire sur la base de cinq vertus : la bonté, la droiture, la bienséance, la sagesse et la loyauté. Le respect des parents, de la vie et de la mort était également un de ses concepts clés.
Confucius n’a pas écrit lui-même son enseignement, mais celui-ci a été transmis par ses disciples. On considère que les « Cinq livres canoniques » en forment l’essentiel.
Les « Analectes » contiennent la source la plus fiable de sa vie.

Confucius a été reconnu de son vivant comme un grand penseur et, par la suite, comme un être surnaturel.

Citations :

« Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre lesquestions. »

« Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seuljour de votre vie. »

« Quand on peut accomplir sa promesse sans manquer à la justice, il fauttenir sa parole. »

« Je ne veux ni ne rejette rien absolument, mais je consulte toujours lescirconstances. »

« L’homme sage n’est pas comme un vase ou un instrument qui n’a qu’unusage ; il est apte à tout. »

« C’est seulement quand l’hiver est arrivé qu’on s’aperçoit que le pin et lecyprès perdent leurs feuilles après tous les autres arbres. »

« On peut connaître la vertu d’un homme en observant ses défauts. »

« Entendre ou lire sans réfléchir est une occupation vaine ; réfléchir sans livreni maître est dangereux. »

« Le silence est un ami qui ne trahit jamais. »

« Quand on ne sait pas ce qu’est la vie, comment pourrait-on savoir ce qu’est la mort ? »

« Dépasser le but, ce n’est pas l’atteindre. »

« Celui qui sait obéir saura ensuite commander.  »

« Rendez le bien pour le bien et la justice pour le mal. » (A comparer à celle de Lao Tseu )

« La joie est en tout ; il faut savoir l’extraire. »

« Une petite impatience ruine un grand projet.  »

Bibliographie :

  • « Le grand livre des religions du monde » sous la direction de Peter Clarke, éditions Solar
  • « La Sagesse orientale » de Scott Littleton, éditions Duncan Baird
  • « Les livres sacrés » de Fernand Comte, éditions Bordas
  • « La Sagesse de Confucius » de Guy Samson, éditions Quebecor
  • « Confucius: entretiens avec ses disciples » éditions Denoël
  • « Confucius » de Gou Xia et Feng Wei (18 maximes extraites des « Entretiens de Confucius »), éditions du Dauphin (Beijing, Chine)

Pensée de Plotin


Plotin (205 - 270 après J.-C.) Philosophe romain.

« Si tu ne vois pas encore ta propre beauté, fais comme le sculpteur d’une statue qui doit devenir belle : Il enlève ceci, il gratte cela, il rend tel endroit lisse, tel autre il nettoie, jusqu’à ce qu’il fasse apparaître le beau visage de la statue. De même, toi aussi enlève tout ce qui est superflu, redresse ce qui est oblique, purifiant tout ce qui est ténébreux pour le rendre brillant, et ne cesse de sculpter ta propre statue jusqu’à ce que brille en toi la clarté divine de la vertu (…). Si tu es devenue cela(…), n’ayant plus intérieurement quelque chose d’étranger qui soit mélangé à toi (…) si tu te vois devenue ainsi (…), regarde en tendant ton regard, car seul un tel oeil peut contempler la beauté. »

                                                                                                       Plotin, Ennéades.

 

La pensée de Plotin est originale en ce qu’elle approfondit la réflexion de Platon et d’Aristote sur la nature de l’Intelligence, mais aussi et surtout en ce qu’elle pose un au-delà de l’intelligence, à savoir l’Un. Pour Plotin, l’univers est composé de trois réalités fondamentales : l’Un, l’Intelligence et l’Âme. L’homme qui fait partie du monde sensible doit, par l’introspection, remonter de l’Âme à l’Intelligence, puis de l’Intelligence à l’Un et accomplir ainsi une union mystique avec le dieu par excellence.