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L’INITIÉ EST CELUI QUI, AYANT DÉCIDÉ DE VIVRE D’UNE MANIÈRE À ÉDIFIER SA CONSCIENCE, LAISSE DERRIÈRE LUI L’EXISTENCE DE CE MONDE ET PART À L’AVENTURE DE CELLE CI.

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Ton monde extérieur est le reflet de ton monde intérieur, règles en la source…

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KRISHNAMURTI (1895 – 1986)


 

 

Jiddhu Krishnamurti (1895 – 1986)

Vidéo rare en français (interviews)      <===  ici

Philosophe indien ayant dépassé toute appartenance religieuse, culturelle et nationale, Krishnamurti est considéré comme l’un des plus grands maîtres contemporains. Son message, aussi limpide que percutant, a fait de lui le pilier intellectuel, spirituel et existentiel de milliers de personnes.

Huitième enfant d’une famille Bramine, fragile et peu enclin aux études, Krishnamurti a très tôt le sens de l’observation et de la charité. A l’âge de 10 ans, alors qu’il vient de perdre sa mère, un éminent représentant de la Société Théosophique reconnaît en lui le Grand Instructeur du Monde attendu par le mouvement. Et, à 16 ans, Krishnamurti est à la tête de l’Ordre international de l’Etoile d’Orient.
Mais quelques années plus tard, une crise spirituelle et physique le conduit à une expérience d’extase bientôt suivie d’une période de désespoir extrême déclenché par la mort de son frère Nitya. Krishnamurti traverse alors cette fameuse “nuit noire” où l’âme se retrouve sans repères : instant béni où, dans un ultime abandon, libérée de l’ego, elle découvre son altérité au sein d’« un grand amour permanent impérissable, invincible ». « Laissez fleurir votre souffrance » dira alors Krishnamurti, conscient que la libération spirituelle ne peut que résulter d’une dynamique intérieure de “non-agir” qui consiste à vivre l’instant présent sans résister, sans fuir, sans “vouloir être”. Réalisant désormais l’inutilité d’une autorité spirituelle ou morale dans la recherche de la vérité, il décrète en 1929 la dissolution de son Ordre qui compte alors plus de 40 000 membres.
De conférences en entretiens, il va parcourir le monde jusqu’à l’âge de 91 ans, désireux de rendre l’Homme libre de cette peur qui le pousse à se cacher derrière des modèles, des systèmes ou des conditionnements, libre de toutes ces “cages” que sont les croyances, les pratiques, les gourous et les mentalisations, libre de la multitude d’emprises qui le limitent et étouffent l’amour qui est en lui. Et de préciser que cette libération s’accomplit d’elle-même dès lors que nous observons quotidiennement nos conditionnements sans la moindre pensée laissant ainsi l’amour nous guérir et nous guider. Car « seul l’amour est une façon juste de penser », dit-il, seul l’amour nous permet de construire un monde plus uni par la reconnaissance de l’action juste et de la relation intelligente.
C’est tout un art de vivre auquel nous convie Krishnamurti : art de voir et d’écouter avec tout son cœur, art d’interagir avec autrui au-delà de toutes ces interférences qui nous empêchent d’être ce que nous sommes et d’agir en conséquence.

On l’avait compris, Krishnamurti est un être d’ouverture, un être de relation. L’apothéose de l’“éveil au cœur” se situe, selon lui, dans la relation avec l’autre, dans ce regard neuf et immaculé qu’on lui porte. Voilà pourquoi l’école devrait nous communiquer cet art de vivre fondé non pas sur la valorisation de l’ego par le savoir et la compétition mais sur l’éveil de la véritable intelligence : « le monde est ce que nous sommes » nous dit Krishnamurti. Il est heureux que ses théories soient enseignées non seulement dans les écoles qu’il a créées en Inde, aux Etats-Unis et en Angleterre mais dans des centaines de facultés de philosophie, psychologie et sciences de l’éducation…

Très vite Krishnamurti apparut comme un penseur de grande envergure, intransigeant et inclassable,
dont les causeries et les écrits ne relevaient d’aucune religion spécifique,
n’appartenaient ni à l’orient ni à l’Occident, mais s’adressaient au monde entier.
Répudiant avec fermeté cette image messianique, il prononça à grand fracas en 1929
la dissolution de la vaste organisation nantie qui s’était constituée autour de sa personne.
Il déclara alors que la vérité était « un pays sans chemin », dont l’accès ne passait par aucune religion, aucune philosophie ni aucune secte établies.

Tout le reste de sa vie, Krishnamurti rejeta obstinément le statut de guru que certains voulaient lui faire endosser.
Il ne cessa d’attirer un large public dans le monde entier, mais sans revendiquer la moindre autorité ni accepter aucun disciple,
s’adressant toujours à ses auditeurs de personne à personne.
A la base de son enseignement était la conviction que les mutations fondamentales de la société
ne peuvent aboutir qu’au prix d’une transformation de la conscience individuelle.
L’accent était mis sans relâche sur la nécessité de la connaissance de soi,
et sur la compréhension des influences limitatives et séparatrices du conditionnement religieux et nationaliste.
Krishnamurti insista toujours sur l’impérative nécessité de cette ouverture,
de ce « vaste espace dans le cerveau où est une énergie inimaginable ».
C’était là semble-t-il, la source de sa propre créativité, et aussi la clé de son impact charismatique sur un public des plus variés.

Krishnamurti poursuivit ses causeries dans le monde entier jusqu’à sa mort, en 1986, à l’âge de quatre-vingt-dix ans.
Ses entretiens et dialogues, son journal et ses lettres ont été rassemblés en plus de soixante volumes.

« Si vous voulez aider quelqu’un à changer, dit-il, soyez comme le soleil. Donnez-lui la compassion, l’amour, l’intelligence et rien d’autre » : Krishnamurti était un soleil. Par sa présence rayonnante, sa sérénité, son regard, sa parole, ses silences, il offrait son énergie. Sans jamais préparer ses conférences, il se donnait sans filet, dans l’instant présent, exhortant chacun à créer à partir du vide, ce vide rempli d’amour…
Laisser l’amour nous envahir à chaque instant est le plus bel hommage que nous puissions rendre à Jiddhu Krishnamurti.

Lectures conseillées :

 Se libérer du connu – J. Krishnamurti, Mary Lutyens : Voici le traité de la seule révolution qui vaille : la libération intérieure.

 La première et dernière liberté – J. Krishnamurti : Un ensemble d’écrits et de causeries sur le thème suivant: la solution au problème de l’existence est en soi-même. 

 Le livre de la méditation et de la vie – J. Krishnamurti : Un texte de méditation pour chaque jour de l’année; parmi les thèmes abordés: la liberté, la souffrance, l’amour. 

 Cette lumière en nous – J. Krishnamurti 

 Pour devenir disciple – J. Krishnamurti : Lorsqu’on s’engage sur le sentier, il est indispensable d’acquérir certaines qualités. 

De quelle autorité, qui apporte la vérité ? – J. Krishnamurti : Sans recherche de la Vérité, point de libération ; sans libération, point de bonheur. 

 La vie libérée – J. Krishnamurti : Quelques thèmes traités : le but de la vie, le bonheur et le désir, la compréhension, la recherche, tenez-vous debout par vos propres forces, soyez amoureux de la vie, le temps, la création sans forme… !

 L’Immortel ami – J. Krishnamurti : Dans ce poème mystique, ce chant d’amour, Krishnamurti évoque sa rencontre avec sa nature intérieure, qu’il nomme l’Immortel ami. Un appel de l’âme à l’Autre Ame qui est à la fois Instructeur et Ami. 

 Face a la vie – J. Krishnamurti : Krishnamurti invite à réfléchir sur la véritable éducation, le rôle des parents et des enseignants, ainsi que sur l’attitude de l’étudiant. 

Dernier journal – J. Krishnamurti : Magnifiques textes par Krishnamurti. 

 De la vie et de la mort – J. Krishnamurti : Compilation d’extraits des soixante volumes de l’oeuvre éditée. Plus d’une vingtaine de textes de 1932 à 1976 concernant le double thème du titre.

De la vérité – J. Krishnamurti 

À propos de Dieu – J. Krishnamurti : Krishnamurti analyse très finement les racines de la croyance, expose les déviances des traditions religieuses, démontre la vanité de toute quête d’une connaissance de “l’inconnaissable”.

La révolution du silence – J. Krishnamurti, Mary Lutyens : Le maître réfléchit devant ses auditeurs, aux grandes questions de l’existence (la vie, l’angoisse, la souffrance, la mort, l’amour, la beauté) tout en axant son exhortation sur la rentrée en soi-même par la méditation. 

 

Sénèque Philosophe latin (4 à 65)


BIOGRAPHIE DE SENEQUE

« L’essentiel est l’emploi de la vie, non sa durée. »

Défenseur acharné de la liberté politique et de la justice sociale, Sénèque envisage la sagesse comme le but ultime de tout homme. Ce grand orateur considère que chacun doit se fier à la nature et à la providence pour vivre heureux. La tranquillité de l’âme dépend ainsi de la capacité à s’éloigner de ses passions afin de tendre vers cet idéal. C’est sur ce principe moraliste qu’il rédige un véritable manuel de vie dans ‘Lettres à Lucilius’, un chef-d’ oeuvre appelé à devenir son plus grand succès. La maîtrise de soi sur la vie que prône le penseur prend tout son sens à sa mort. Précepteur de Néron, Sénèque le conseille jusqu’en 65 avant de se voir accusé d’une tentative d’assassinat. L’empereur le condamne à choisir entre suicide et exil : fidèle à son idéologie, le stoïcien préfère mettre fin à ses jours. Il laisse derrière lui neuf tragédies et de précieux écrits moraux qui inspirent nombre d’auteurs, dont Rousseau et Montaigne. Reconnu comme l’un des plus grands philosophes romains, Sénèque tente d’orienter le monde vers une quête spirituelle pour que l’humanité soit en harmonie avec son environnement quotidien.

Citations de Sénèque :

«Méditer la mort, c’est méditer la liberté ; celui qui sait mourir, ne sait plus être esclave»

« Si tu veux être aimé, aime.  »

« Tirons notre courage de notre désespoir même. »

« Hâte-toi de bien vivre et songe que chaque jour est à lui seul une vie. »

« On doit punir, non pour punir, mais pour prévenir.  »

« Il est plus facile de se contenir que de se retirer d’une querelle.  »

« La colère est comme une avalanche qui se brise sur ce qu’elle brise.  »

« C’est quand on n’a plus d’espoir qu’il ne faut désespérer de rien. »

« Ma patrie est le monde.  »

« L’amitié est toujours profitable, l’amour est parfois nuisible. »

« Pour faire taire autrui, commence par te taire. »

« Le coupable est celui à qui le crime profite.  »

« La plus grande partie de la vie passe à mal faire, une grande partie à ne rienfaire, toute la vie à ne pas penser à ce que l’on fait. »

« Le bon juge condamne le crime sans condamner le criminel. »

« L’essentiel est l’emploi de la vie, non sa durée. »

« La mort est bien lourde pour celui qui meurt trop connu des autres maisinconnu de lui-même.  »

« L’erreur est aussi grande de se fier à tous que de se défier de tous. »

Portraits :

Sénèque est le représentant le plus complet de la doctrine stoïcienne*, bien qu’il ne soit pas jugé comme le plus exact, car il n’est pas un simple interprète. Sur plus d’un point il s’émancipe et substitue à l’autorité des maîtres de la Grèce sa propre réflexion. En cela, on a pu juger qu’il était bien un Romain, « Je ne me suis fait l’esclave de personne, je ne porte le nom de personne ». (« Non me cuiquam mancipaui, nullius nomen fero. »).

* Doctrine stoïcienne : 

Le stoïcisme est la doctrine la plus en accord avec le concept de cosmos. Pour les stoïciens, il est primordial d’essayer de vivre en harmonie avec l’univers, avec la Nature; et pour cela, il faut faire une distinction fondamentale entre choses extérieures et choses intérieures. Tout ce que l’homme ne domine pas, tout le monde extérieur auquel il ne peut rien, il doit le prendre comme tel et non comme il voudrait qu’il soit. L’homme doit accepter l’univers tel qu’il est et se contenter de régler ce qui dépend de lui.

Une telle doctrine est issue d’un constat simple : il ne sert à rien de se lamenter de ce que l’on ne peut pas changer. Autrement dit, le malheur ne peut venir que de l’âme et le mal ne peut être que moral (ce sont bien des disciples de Socrate). Ainsi, cesser d’être malheureux pour des choses auxquelles on ne peut rien changer signifie atteindre l’ataraxie.

Il faut savoir distinguer ce qui ne dépend pas de soi, sur lequel il ne faut donc surtout pas s’attarder, et ce qui dépend de soi, sur lequel on peut travailler. L’homme doit accepter l’univers tel qu’il est, sa place en son sein, et ensuite agir le mieux possible. C’est à la fois une philosophie du destin (tout ce qui arrive à l’extérieur devait nécessairement arriver) et une philosophie de la liberté intérieure (je peux modifier mes propres jugements, mes comportements).

Une première citation explique très bien un tel état d’esprit : « Ce ne sont pas les événements qui attristent les hommes, mais les jugements qu’ils portent sur eux. » – Epictète. Si un parent meurt, c’est ainsi, je ne peux rien y faire, il ne sert donc à rien de m’en attrister, car cela ne changera rien. Je dois prendre cela comme relevant du cosmos, je n’y peux rien et ne dois donc pas m’en attrister. Ce n’est pas l’événement en lui même qui peut m’apporter le malheur, mais le jugement que je porte sur cette mort.
En revanche, tant qu’il n’est que malade et qu’il n’est pas encore mort, je dois tout faire pour le soigner et le sauver, car cela dépend de moi.

Ainsi, cette sagesse ** se décline en trois éléments :
-savoir distinguer ce qui dépend de soi et ce qui ne dépend pas de soi
-savoir être indifférent aux événements extérieurs auxquels on ne peut rien changer
-savoir agir au mieux dans le domaine de ce qui dépend de soi

Une excellente illustration de la doctrine est la métaphore du jeu de cartes.
La vie est comme un jeu de cartes : on ne décide pas des cartes que l’on reçoit, cela ne dépend pas de soi mais du hasard, de l’ordre universel de la nature. En revanche, une fois les cartes en main, il faut faire le mieux possible avec ces cartes là; notre devoir est de donner le meilleur possible avec cette combinaison de cartes. De même pour les stoïciens, une loi immuable gouverne le monde (les dieux ou la Nature). Il dépend de nous de suivre ou non cette loi et de jouer bien ou mal le rôle qu’elle nous attribue. Mais il ne dépend pas de nous de la changer.

**Différence entre stoïcisme et bouddhisme :voir cet article intéressant : Stoïsisme VS Bouddhisme

Longtemps avant Sénèque, la religion ancienne était tombée en désuétude : il n’y avait sans doute pas à Rome un esprit éclairé qui acceptât les fables du polythéisme ou les pratiques de superstition empruntées aux cultes de l’Orient. Sénèque méprise profondément toutes ces puérilités. Il est fort regrettable que nous ayons perdu son ouvrage sur la superstition, dont Lactance et Augustin d’Hippone ont tiré tant d’arguments contre le polythéisme.

La théologie des poètes lui paraît également absurde et irrévérencieuse. Quant aux pratiques superstitieuses, il les condamne en deux mots : elles substituent à l’amour la crainte ; au lieu d’être un culte, elles sont un outrage. Mais la religion est alors une institution de l’État, institution nécessaire, et que maintenaient des hommes comme Cicéron et Varron. Sénèque s’occupe peu du polythéisme officiel : de son temps la religion, comme tous les aspects de la vie romaine, était dans la main d’un seul, et elle avait perdu beaucoup de son importance comme instrument politique. Cependant il approuve que le sage se soumette aux prescriptions de la cité, non qu’il les regarde comme agréables aux dieux, mais parce qu’elles sont ordonnées par la loi.

Reste la théologie naturelle, c’est-à-dire la religion du philosophe : en quoi consiste-t-elle ? Sénèque emploie indifféremment, en parlant de la puissance divine, le singulier et le pluriel, Dieu et les dieux : c’est peut-être par un reste de respect pour la croyance populaire. Car pour lui, il n’y a manifestement qu’un seul Dieu. Mais ce Dieu se présente pour ainsi dire à l’esprit sous une foule d’aspects différents : de là les noms divers qu’il a reçus et cette espèce de fractionnement de la puissance divine en une foule d’êtres divers.

« Tout nom que vous voudrez lui donner s’appliquera merveilleusement à lui, pourvu que ce nom caractérise quelque attribut, quelque effet de la puissance céleste. Dieu peut avoir autant de noms qu’il est de bienfaits émanant de lui. »

Ainsi se justifient ces noms de Jupiter, de Liber, d’Hercule, de Mercure, etc. Mais il ne s’arrête pas là, il consent encore à ce qu’on donne à Dieu des noms plus larges.

« Voulez-vous l’appeler nature ? Vous ne vous tromperiez point ; car c’est de lui que tout est né, lui dont le souffle nous fait vivre. Voulez-vous l’appeler monde ? Vous en avez le droit. Car il est le grand tout que vous voyez ; il est tout entier dans ses parties, il se soutient par sa propre force. »

On peut encore l’appeler destin, « car le destin n’est pas autre chose que la série des causes qui s’enchaînent, et il est la première de toutes les causes, celle dont dépendent toutes les autres. », « Qu’est-ce que Dieu ? L’âme de l’univers. Il échappe aux yeux, c’est la pensée seule qui peut l’atteindre. »

Toutes ces définitions sont plus ou moins empruntées au stoïcisme scientifique. Mais Sénèque va bien au-delà. Ce dieu, destin, nature, monde, est pour ainsi dire transcendant et immanent à l’univers ; il est entièrement présent en toutes ses parties, pourtant il le domine, il le gouverne, il le conserve, il a souci de l’homme, parfois même de tel ou tel homme en particulier (Interdum curiosi singulorum.) Il a prodigué au genre humain d’innombrables bienfaits, et l’ingratitude ne peut en borner le cours. Du reste Dieu est forcé par sa nature d’être bienfaisant : la bienfaisance est comme la condition de son être.

Quel culte réclament les dieux ?

« Le premier culte à leur rendre, c’est de croire à leur existence, puis de reconnaître leur majesté, leur bonté, sans laquelle il n’y a pas de majesté, de savoir que ce sont eux qui président au monde, qui gouvernent l’univers par leur puissance, qui sont les protecteurs du genre humain. »

« Ils ne peuvent ni faire ni recevoir une injustice. »

Donc ne cherchez pas à vous les rendre favorables par des prières, des offrandes, des sacrifices. « Celui-là rend un culte à Dieu qui le connaît. » (Deum coluit qui novit.)

Il serait difficile de tirer de toutes ces définitions une théodicée logique et Sénèque ne l’a jamais essayé. Il a des aspirations très hautes, et comme le sentiment du divin en lui ; mais jamais sur ce point ses idées n’ont pris cette précision rigoureuse qu’exige la science. Cette sorte d’enthousiasme religieux est exprimée dans ce passage :

« En vain élèverez-vous les mains vers le ciel ; en vain obtiendrez-vous du gardien des autels qu’il vous approche de l’oreille du simulacre, pour être mieux entendu : ce Dieu que vous implorez est près de vous ; il est avec vous, il est en vous. Oui, Lucilius, un esprit saint réside dans nos âmes ; il observe nos vices, il surveille nos vertus, et il nous traite comme nous le traitons. Point d’homme de bien qui n’ait au-dedans de lui un Dieu. Sans son assistance, quel mortel s’élèverait au-dessus de la fortune ? De lui nous viennent les résolutions grandes et fortes. Dans le sein de tout homme vertueux, j’ignore quel Dieu, mais il habite un Dieu. S’il s’offre à vos regards une forêt peuplée d’arbres antiques dont les cimes montent jusqu’aux nues, et dont les rameaux pressés vous cachent l’aspect du ciel ; cette hauteur démesurée, ce silence profond, ces masses d’ombre qui de loin forment continuité, tant de signes ne vous annoncent-ils pas la présence d’un Dieu ? Sur un antre formé dans le roc, s’il s’élève une haute montagne, cette immense cavité, creusée par la nature, et non par la main des hommes, ne frappera-t-elle pas votre âme d’une terreur religieuse ? On vénère les sources des grandes rivières, l’éruption soudaine d’un fleuve souterrain fait dresser des autels ; les fontaines des eaux thermales ont un culte, et l’opacité, la profondeur de certains lacs les a rendus sacrés : et si vous rencontrez un homme intrépide dans le péril, inaccessible aux désirs, heureux dans l’adversité, tranquille au sein des orages, qui voit les autres hommes sous ses pieds, et les dieux sur sa ligne, votre âme ne serait-elle pas pénétrée de vénération ? Ne direz-vous pas qu’il se trouve en lui quelque chose de trop grand, de trop élevé, pour ressembler à ce corps chétif qui lui sert d’enveloppe ? Ici le souffle divin se manifeste. »

En examinant de près les œuvres de Sénèque, nous pouvons nous faire une idée plus précise de ce qu’est son Dieu.

C’est l’homme, non l’homme vulgaire, mais celui qu’il appelle le sage. Celui-là en effet est non seulement placé sur la même ligne que les dieux, mais il leur est supérieur :

« Le sage ne diffère de Dieu que par la durée. (Bonus tempore tantum a Deo differt.) »

Si Dieu est exempt de toute crainte, le sage aussi. Si Dieu est affranchi de la crainte par le bienfait de sa nature, le sage a l’avantage de l’être par lui-même :

« Supportez courageusement ; c’est par là que vous surpassez Dieu. Dieu est placé hors de l’atteinte des maux, vous, au-dessus d’eux. »

C’est là le point par lequel la philosophie religieuse de Sénèque se noue à sa philosophie morale. La métaphysique chez lui tient fort peu de place ; il raille ceux qui s’occupent de ces chimères. A-t-on le loisir de poursuivre la solution de ces questions oiseuses ? Les malheureux nous appellent (ad miseros advocalus es). C’est de l’homme qu’il faut s’occuper ; c’est lui qu’il faut affermir, consoler, encourager. Que de misères pesaient alors sur lui ! que de dangers l’environnaient ! Il fallait tremper fortement les âmes, les armer contre toutes les terreurs ; et puisque les dieux semblaient morts ou indifférents aux choses humaines, puisqu’ils toléraient les épouvantables désordres qui s’étalaient alors, et que de ce côté l’innocence et la vertu ne pouvaient espérer un appui, il fallait élever l’homme lui-même à une telle hauteur, qu’il pût braver ou mépriser toutes les misères, tous les périls, tous les ennemis, tous les Césars, tous les bourreaux.

Voilà le stoïcisme romain : sous les empereurs les cieux sont vides, les dieux sont partis, ou ils sont favorables aux scélérats ; l’homme de cœur se fera Dieu. Il tendra vers une vertu parfaite, âme inaccessible à toute passion, sévère, grave, inébranlable. C’est l’idéal qui semble hanter alors toutes les imaginations. En effet, selon le vers célèbre deLucain : « Victrix causa Diis placuit, sed victa Catoni. » Caton est supérieur aux dieux. Conception démesurée, étrange, d’un orgueil colossal, expression de la force d’une âme noble, qui est soutenue par une telle vénération d’elle-même.